Karine Tuil, écrivain française qui aborde des sujets graves par le biais de l’humour ou de l’ironie

Elle prépare actuellement son premier long-métrage pour PATHE. Son neuvième roman est en cours d’écriture.

Karine Tuil est née le 3 mai 1972 à Paris. Diplômée de l’Université Paris II-Assas (DEA de droit de la communication/Sciences de l’information). En 1998, elle participe à un concours sur manuscrit organisé par la fondation Simone et Cino Del Duca et son texte, Pour le Pire, est accepté par les éditions Plon qui inaugurent une collection «jeunes auteurs».

Por: Alberto Berenguer    Twitter: @tukoberenguer

Avec des concours littéraires, comme celui de la Fondation Simone et Cino Del Duca en 1998, vous avez commencé votre démarche comme écrivain, est-ce que ces concours ont été importants dans votre trajectoire professionnelle?
Oui, très. J’ai écrit un premier roman à 19 ans qui n’a pas été publié, puis un second. Enfin, un troisième Pour le Pire. En général, j’envoyais mon manuscrit à deux ou trois éditeurs – sans succès… Et un jour, en lisant Le Guide Lire de l’écrivain, j’ai appris l’existence d’un concours sur manuscrit. J’ai envoyé mon roman ; il a alors été remarqué par l’écrivain Jean-Marie Rouart qui était Directeur du Figaro Littéraire. A cette époque, Muriel Beyer, éditrice chez Plon, venait de créer une collection Jeunes auteurs et elle m’a proposé de publier mon texte.

Avec votre premier roman Pour le Pire publié par Plon en 2000, vous commencez votre trilogie sur la famille juive, comment avez-vous eu cette idée?
Comme le recommandait Isaac Bashevis Singer, un écrivain ne devrait écrire que sur ce qu’il connaît le mieux!

L’histoire de la décomposition d’un couple qui est relatée dans ce roman, a-t-elle des traits autobiographiques?
Non, heureusement… j’avais l’idée d’un meurtre littéraire. Comment un homme parvient à détruire sa femme avec des mots…  Ciorant disait : « un livre doit être dangereux ». J’aime l’idée de susciter un certain malaise à la lecture, provoquer mon lecteur…

Votre second roman, Interdit (Plon, 2001), relate l’histoire comique de la crise identitaire d’un vieux juif, comment mêlez-vous le cynisme à l’absurde?
Je voulais aborder la question de l’identité juive sur un mode tragi-comique. Je me souviens d’avoir écrit les trente premières pages de ce texte dans une sorte de transe. Puis j’ai relu ce que j’avais écrit et j’ai eu peur de la façon dont seraient interprétées ces lignes. C’était mon deuxième roman…  Je ne peux pas expliquer de manière rationnelle les mécanismes de l’écriture. Je suis moi-même surprise par ce que j’écris. L’écrivain est un observateur et un passeur. Il se nourrit de ce qu’il voit/lit/entend, puis le retranscrit en mots. Parfois sur le mode de l’humour ou de l’ironie. Chez moi, plus le trouble est profond, plus j’en appelle à l’humour…

Du Sexe Feminin, publié en 2002, est votre dernier roman de la trilogie qui relate l’amour maternel, la dépendance et la difficulté d’aimer. L’humour noir et l’ironie sont des éléments caractéristiques dans les romans de Karine Tuil?
Pas dans tous mes romans… Dans les trois derniers, vous les trouverez peu… Mais j’avoue que je préfère toujours aborder des sujets graves par le biais de l’humour ou de l’ironie. J’aime beaucoup par exemple les romans des écrivains américains Jonathan Safran Foer, Bernard Malamud, Philip Roth ou italiens, Alessandro Piperno

Sa trilogie tourne autour d’une famille juive. Pourquoi une famille juive et non une famille méthodiste ou catholique?
J’adorerais écrire sur un autre sujet mais je viens d’une famille juive et je vous assure que pour un écrivain, il y a de la matière pour une œuvre entière !

Avec cette trilogie vous avez obtenu plusieurs prix et reconnaissances. Pour le Pire, par exemple, a été loué par les librairies et commenté par Jean-Marie Rouart, le directeur du Figaro littéraire. Vous attendiez-vous cette reconnaissance quand vous avez commencé à rédiger la trilogie?
Non. Je n’attends rien quand j’écris. Je ne pense qu’au texte.  

Dans votre quatrième roman, Tout sur mon frère (Grasset, 2004), vous utilisez le terme d’autofiction. Vous pourriez expliquer aux adeptes de De lecture Obligatoire cette expression?
A la fin des années 90 et au début des années 2000, de nombreux écrivains français ont écrit des livres dans lesquels ils évoquaient des fragments autobiographiques mais en les romançant – Christine Angot, par exemple. Mais le premier écrivain qui a utilisé ce terme est Serge Doubrovsky. J’ai été très intéressée par son travail, notamment par un livre intitulé le livre brisé dans lequel il racontait toute sa vie et plus particulièrement ses relations avec sa femme. Or, au cours de l’écriture du livre, sa femme se suicide. Se pose alors pour l’écrivain la question de sa place dans le processus littéraire, de sa responsabilité… A cette époque, de nombreuses personnes se présentant comme victimes de ces livres ont commencé à porter plainte. Un écrivain avait-il le droit d’utiliser la vie d’autrui pour nourrir sa propre fiction ? C’est une question qui m’a vraiment interpellée en tant qu’écrivain mais aussi en tant que juriste. En droit, ma liberté s’arrête là où commence celle d’autrui. Or, en littérature, il paraissait que tout devenait possible au nom de la liberté de création et d’expression. J’ai donc eu l’idée d’un livre dans lequel un écrivain déciderait de détruire la vie de son frère en la racontant dans un livre. L’écriture est un véritable pouvoir… Par la suite, de nombreux débats ont divisé le monde littéraire : ceux qui considéraient que le roman était mort et les autres.

En plus de vos romans, vous avez aussi écrit des pièces de théâtre. Dans quel genre êtes-vous le plus à l’aise ?
J’ai écrit une pièce et plusieurs scénarios. J’aime toutes les formes d’écriture mais je suis romancière avant tout.

Votre œuvre Quand j’étais drôle publiée en 2005 a obtenu le prix TPS Star du meilleur roman adaptable au cinéma, qu’est-ce que vous avez ressenti après avoir connu l’adaptation cinématographique?
Cette adaptation n’a malheureusement pas vu le jour. J’avais écrit le scénario avec un réalisateur mais il faut savoir qu’il est extrêmement compliqué de mener à leur terme des projets d’adaptation cinématographique.

Quand j’étais drôle, raconte les déboires d’un comique français à New York. Pourquoi vouliez-vous rendre hommage dans un roman aux grandes personnalités de l’humour?
J’aime l’humour. Au cinéma, j’adore Woody Allen, les Marx Brothers, les frères Coen. Dans ma famille, l’humour était/est une valeur-clé.

Vous organisez en collaboration avec Medbridge, l’Ambassade de France en Israël et Le Monde 2, un voyage d’écrivains français en Israël et dans les territoires palestiniens afin de mieux faire connaître les enjeux de cette région en 2007. Comment avez-vous eu idée? Cette expérience a-t-elle été positive?
A l’origine de ce projet, il y a l’intérêt que je porte à la situation politique au proche-orient. J’ai pensé que je devais organiser des rencontres entre des écrivains français et des écrivains arabes israéliens ou palestiniens. C’était une expérience passionnante : nous avons rencontré de grands écrivains comme David Grossman, A.B. Yehoshua mais aussi des écrivains issus de la jeune génération comme Sayed Kashua ; des intellectuels… Seul bémol : notre visite côté palestinien a dû être annulée à la dernière minute pour des raisons de sécurité. Je le regrette et je ne desespère pas de le refaire un jour…

La fantaisie, l’érotisme, le cynisme, l’ironie, entre autres paraissent dans vos romans. Quelles valeurs essayez-vous de transmettre à vos lecteurs?
Aucune. Ce n’est pas mon rôle…

Certains de vos romans ont été traduits en Allemand et en Italien, avez-vous pensé à introduire vos romans sur le marché espagnol?
Oui, j’adorerais être traduite en espagnol. Avis aux éditeurs !

Comment le marché littéraire français se trouve en ce moment? Est-il difficile de publier en France?
Heureusement, il y a encore de la place pour une littérature de qualité en France. Je ne suis pas très inquiète. Je suis persuadée qu’il y aura toujours de vrais lecteurs. Peu importe le support : livre papier ou électronique.
En ce qui concerne la publication, chacun a sa propre expérience. Certains sont publiés dès le premier envoi ; d’autres, jamais. Il faut être tenace. Travailler.

La France et l’Espagne ont des problèmes avec l’immigration illégale depuis des années. Cette réalité sociale vous a inspirée pour Douce France?
Non, ce qui m’a inspirée, c’est la lecture d’un article qui dénonçait l’enfermement d’enfants dans des centres de rétention administrative. Je ne connaissais pas le fonctionnement de ces centres et j’ai eu envie de mener des recherches. A l’époque, Nicolas Sarkozy – qui était ministre de l’intérieur – m’a accordé le droit de visiter un de ces centres et, finalement, le directeur m’a donné un laisser-passer pour… un an. Ce que j’y ait découvert m’a bouleversée et j’ai eu envie d’en faire un roman.

Votre éditeur Grasset réédite votre deuxième roman Interdit en 2010, pourquoi ce roman et non les autres?
J’ai une tendresse particulière pour ce roman… parce qu’il pose la question qui hante tous mes textes : celle de l’identité.

Dans votre dernier roman, Six mois, Six jours, vous abordez le sujet du nazisme à travers l’histoire d’une femme manipulée par un homme. Le sujet du nazisme est-il une source d’inspiration pour vous?
Au départ, j’ai lu un fait divers dans la presse (Six mois, six jours est inspiré d’une histoire vraie et toutes les références historiques sont réelles) : une riche héritière allemande avait eu une liaison avec un homme qui avait exercé du chantage sur elle. Lors de l’arrestation de cet homme, le complice avait alors annoncé aux enquêteurs que son ami n’avait pas agi par appât du gain mais pour venger son grand-père qui avait été exploité par la famille de l’héritière pendant la guerre. C’était un sujet passionnant et j’ai eu l’envie d’en faire un livre qui mêlerait le réel à la grande Histoire.
Tous les sujets liés à cette période m’interpellent particulièrement…

Et pour finir l’interview, est-ce que vous pourriez nous avancer une brève notice de votre neuvième roman, sur lequel nous savons que vous travaillez à l’heure actuelle?
J’aimerais pouvoir vous le dire mais je suis incapable de parler d’un texte quand je suis en cours d’écriture…

Publicado el septiembre 21, 2012 en Entrevistas, escritores, Europa, Francia, Inicio. Añade a favoritos el enlace permanente. Deja un comentario.

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